Le rugby à 13 anglais est-il vraiment prêt pour l'expansion ?

Le rugby à 13 anglais est-il vraiment prêt pour l'expansion ?

Depuis la création de la Super League en 1996, les dirigeants du rugby à 13 anglais ont fait beaucoup d’efforts pour étendre leur zone de chalandise traditionnellement limitée à l’Angleterre septentrionale. Quelques hauts et beaucoup de bas plus tard, le rugby à 13 récolte enfin en 2018 les fruits de cette politique. A la vue de certaines décisions récentes, on peut cependant se demander si les têtes pensantes du treize anglais ne douteraient de leur capacité à changer de dimension.

Promesses de fin de siècle

Retour en arrière : en 1995, la Super League Europe fut annoncée en grandes pompes comme la compétition qui allait révolutionner le rugby en Europe. Les meilleures équipes anglaises seraient accompagnées de franchises créés en France, en Espagne ou Italie. “Treizistes de tous les pays, unissez-vous au sein d’une grande internationale ovale et laissez-vous guider par le Grand Frère Britannique !” auraient dit plus ou moins en substance les dirigeants anglais.

Au final, seul le PSG Rugby League répondit à l’appel. Le 29 mars 1996, le cœur des treizistes français fut rempli d’immenses espoirs lorsque près de 18.000 spectateurs enthousiastes assistèrent à Paris à la victoire (30-24) du PSG sur les Sheffield Eagles pour le tout premier match de la compétition.

Le projet “PSG Rugby League” ne dura cependant que deux saisons, plombé par un modèle économique défaillant en l’absence de sponsors majeurs (l’accès au stade était gratuit). Les rêves d’expansion prirent alors un sérieux coup dans l’aile. Dès lors, la Super League n’avait plus d’européenne que le nom.

2018, l’année de tous les espoirs

Le dossier “Expansion” du rugby à 13 pro en Europe a connu tellement de soubresauts que nous pourrions écrire un livre complet sur le sujet, mélangeant success stories (Dragons Catalans), espérances futures (Toronto Wolfpack, Toulouse Olympique), espoirs déçus (PSG, London Broncos, Celtic Crusaders) et extrême dubitativité (Gateshead Thunder, Hemel Stags, Oxford RL, Gloucestershire All Golds, London Skolars, Blackpool Panthers, West Wales Raiders, Coventry Bears).

En 2018, les désirs d’expansion semblèrent vraiment devenir une réalité. Outre la victoire historique des Dragons Catalans en Coupe d’Angleterre et la remontée en Super League des London Broncos, deux équipes non-britanniques (Toronto, Toulouse) terminèrent aux portes de l’élite du rugby à 13 anglais. Quatre équipes “d’expansion” dans le Top 14 des compétitions anglaises, ce fut tout simplement du jamais vu.

Mais voilà, l’année 2018 fut également une sombre années en termes d’affluence que ce soit pour de grands événements (Finale de la Super League, finale de la Coupe d’Angleterre) ou pour la saison régulière de Super League. Dans ce contexte, nous vîmes la RFL (a.k.a. la fédération anglaise de rugby à 13) prise de panique et prendre une décision radicale pour sécuriser financièrement l’édition 2019 de la Coupe d’Angleterre : demander aux clubs non-anglais une caution à six chiffres qui serait encaissée en cas de participation à la finale. Si le forfait de Toronto et de Toulouse est désormais acté, la participation des Dragons Catalans n’est pas encore confirmée à l’heure où j’écris ces lignes.

Cette décision est probablement une mauvaise réponse à un problème réel. La finale de la Coupe d’Angleterre est une grosse source de revenus pour la RFL qui est largement tributaire du nombre de spectateurs payants. Une finale sans club anglais, c’est sportivement envisageable. Et c’est un risque financier majeur, car on imagine mal des fans français ou canadiens venir autant en nombre à Wembley que les fans anglais. Or, il ne serait bon pour personne que la RFL connaisse des difficultés financières.

D’autres solutions plus douces pourraient être envisagées. On peut imaginer, par exemple, mutualiser ce risque via une assurance commune souscrite par les clubs non-anglais participants. Pourquoi aussi pas ne pas limiter la présence d’un club non-anglais en finale en adaptant le tirage au sort en fonction de la situation (Ex : 2 clubs non-anglais en 1/2 finales se rencontrent forcément) ?

Trop tard pour reculer ?

Mais la boîte de Pandore est désormais ouverte. La situation pourrait ne pas être tenable à long terme et devrait s’étendre à la Super League ces prochaines années. Depuis 1996, aucune expansion n’a fonctionné sur le sol britannique. La franchise galloise des Crusaders avait réussi un coup de maître en obtenant en 2009 son ticket pour la Super League, mais est retombée dans l’anonymat de la 3e division, faute d’avoir trouvé son public et une stabilité financière.

L’expansion “treiziste” n’a pour l’instant fonctionné réellement qu’à Perpignan. Sixième affluence de Super League en 2018, la franchise française est désormais un club solide. Quant aux projets de Toulouse et Toronto, ils tiennent la route sportivement parlant mais doivent encore être validés par une montée et une stabilisation dans l’élite du rugby à 13 anglais.

A l’heure où j’écris ces lignes, quatre villes sont candidates à une intégration en 3e division : Dublin, New York, Belgrade et Villeneuve-sur-Lot. L’absence de club anglais dans cette liste fait forcément réfléchir. L’internationalisation des compétitions anglaises semble inéluctable. La Super League doit par conséquent se préparer à changer de statut et s’adresser enfin aux fans internationaux.

La survie du rugby à 13 en Europe est à ce prix.

Crédit image : Super League - Logo de marque déposée