Le cyclo-cross, un sport trop bien méconnu

Le cyclo-cross, un sport trop bien méconnu

Pour créer un sport, il suffit parfois de pas grand-chose, juste de changer le terrain de jeu. Un petit tour à la plage et quelques petites adaptations ont permis ainsi la création du beach-volley, du beach-soccer, du beach-athlétisme, de la beach-lutte et bien d’autres encore. D’ailleurs, à l’heure où j’écris ces lignes, il paraîtrait que les créateurs du beach-curling ne seraient pas loin d’avoir trouvé la formule idéale. Mais c’est peut-être le cyclisme qui a été le premier à se réinventer de cette manière avec un sport encore trop bien méconnu du grand public : le cyclo-cross.

Le cyclo-cross trouverait son origine au début du 20e siècle. C’est une époque dorée pour le cyclisme qui vit naître beaucoup d’épreuves vélocipédiques, certaines encore disputées aujourd’hui : Paris-Brest-Paris (1891), Paris-Roubaix (1896), le Tour de France (1903) ou encore le Tour d’Italie (1909). A croire qu’il suffisait de planter un panneau indicateur quelque part pour faire germer l’idée d’une nouvelle course.

A cette période, les infrastructures routières étaient loin d’être aussi qualitatives qu’aujourd’hui. On ne pouvait ainsi pas joyeusement profiter du traditionnel ralentissement matinal sur l’A25 au niveau de Lille-Port Fluvial. Avec des routes peu nombreuses et pas toujours praticables, le plus rapide moyen de relier deux patelins consistait à prendre la clé des champs, des petits chemins de terre, des forêts, des clairières et des collines. Le cyclo-cross était né, et avec lui le plaisir de terminer épuisé et couvert de terre bien avant l’invention du catch dans la boue.

Le cyclo-crossman est un peu le Chuck Norris du cyclisme. Quand se dresse devant lui un dénivelé impossible, un obstacle infranchissable ou une portion de chemin impraticable, il ne se dégonfle pas. Tel Lucky Luke qui aurait perdu aux dés avec Jolly Jumper, le coureur met pied à terre, accroche sa monture de métal sur l’épaule et expérimente les bienfaits de la course à pied.

Le cyclo-crossman est aussi probablement un peu maso. Non seulement, il ne peut se cacher dans un peloton pour ménager ses efforts, mais en plus, les éléments plus ou moins naturels se dressent contre lui pour le faire chuter, abîmer son vélo, voire lui faire perdre les pédales. En outre, il pratique sa discipline l’hiver, à l’époque où un cycliste ordinaire ne met pas l’ombre d’une roue dehors. Maigre avantage, il peut enrichir son bol alimentaire avec les nombreux oligo-éléments projetés sur sa figure par le coureur qui le précède.

Le cyclo-crossman est un peu le Stéphane Bern du cyclisme, il paraît venir d’un autre temps. Après tout, il s’échine à utiliser son vélo de route pas vraiment taillé pour ces terrains gadouilleux, alors qu’entre-temps, on a eu la sagesse d’inventer le vélo tout-terrain. Mais voilà, les traditions de ce cross-country à vélo sont bien ancrées en Europe, et spécialement en Belgique. Chez nos amis d’Outre-Quiévrain, on aime tellement le cyclisme qu’on ne peut se résoudre à marquer une pause hivernale. Alors quand la saison sur route se termine l’automne venu, ces joyeux fous du guidon se font une joie d’assister aux nombreux cyclo-cross qui se déroulent chez eux ou ailleurs, un drapeau dans une main et un diabolo houblon dans l’autre.

Mais cette passion belge est peut-être un bien pour un mal. Il s’agit d’une révolution copernicienne inversée : c’est la planète cyclo-cross qui tourne autour de la Belgique et non l’inverse. Ainsi, quasi la moitié des étapes de la Coupe du Monde se déroulent dans la patrie de Raymond Devos (dont on se demande ce qu’il vient faire là dans une chronique parlant de sport). Les ressortissants du plat pays qu’est celui de Jacques Brel phagocytent également les récompenses. Pas facile alors de faire croître dans le grand public l’intérêt de cette jolie discipline au delà des frontière de la Flandre et de la Wallonie.

Si jamais l’envie vous vient d’assister à un cyclo-cross, prenez vos précautions : des bottes et des habits auxquels vous ne tenez pas trop vous seront indispensables. A la fin de la journée, vous serez crotté, voire couvert entièrement de boue. Vous aurez chopé un rhume, voire une grosse grosse crève. Vous aurez le visage marqué le froid, voire par la hampe un peu folle d’un drapeau flamand. Vous aurez les doigts sucrés et collants à cause de la crêpe nutella-coco-chantilly-grand marnier que vous aurez voulu vous offrir. Votre imperméable sentira la bière fraîche suite aux nombreuses collisions avec des spectateurs houblophiles. Autrement dit, vous aurez passé une superbe journée.

Bref, le cyclo-cross, on n’a pas fini de commencer à en entendre parler.

Crédit photo : musume miyuki - ALL JAPAN CYCLO-CROSS CHAMPIONSHIP 2009 - Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.0 Generic (CC BY-SA 2.0)